Il était à présent minuit passé, la salle ressemblait maintenant plus à un bordel qu’au cabaret de haute renommée qu’il était autre fois. La bierre coulait à flot, les rires tout comme les femmes étaient abandonnés de toute pudeur. Il faisait chaud, la fumée était si dense qu’on avait peine à respirer normalement.
Coco était là, assise sur ce tabouret à peine plus haut que trois pommes. Elle était sur scène mais avait pourtant cette désagréable sensation que personne ne la regardait, à se demander si quelqu’un avait remarqué sa présence.. Elle était là, assise avec son accordéon. Son regard, plongeait dans celui de sa mère, appuyée sur un mur, au fond de la salle. Quand celle-ci acquiesa de la tête, Coco fit résonner sa première note d’un ton déterminé. La seconde s’en suivi, la troisième… C’était une mélodie pour le moins originale, ce genre de mélodie qu’on entendait peu à l’époque. C’était une mélodie qui touchait au plus profond de l’âme, ce genre de mélodie dont on rigolait souvent.
Ensuite, elle fit retentir le premier son de sa voix. Sa voix était à la fois grave et roque, nous laissait un arrière goût de mystère, d’interrogation. C’était le genre de musique qu’une femme d’une certaine classe ne pouvait pas chanter, c’était le genre de musique qui ne se rattachait à aucun courant, que personne n’écoutait, que personne n’aimait.Quelques minutes seulement après le début de sa chanson, un profond silence envahissa brutalement le cabaret. Les regards se tournèrent… Plus un bruit…Mis à part la voix determinée de Coco, qui ne se souciait plus de rien.
Il ne fallut que quelques secondes seulement pour voir ce silence se transformer en éclat de rire. Les personnes se moquèrent tous plus stupidement, tous plus fort, les uns que les autres…
Ce n’était malheureusement pas la première fois, cela lui arrivait souvent… De se retrouver à la rue… Elle avait l’habitude de transporter son accordéon de portes en portes, de boulots en boulots dans l’espoir qu’un jour, quelqu’un apprecie son art, dans l’espoir qu’un jour elle aussi puisse être reconnue en temps qu’artiste.
Renvoyé et mise à la porte du cabaret de minuit suite aux critiques virulentes, elle se remit en chemin en quète de gloire prochaine. Comme à son habitude, Coco fit voeux de profond silence et n’adressa que ces quelques mots au personnes qui l’écoutaient encore « un jour, un jour on me comprendra. Et ce jour là, vous vous battrez tous pour entendre le son de ma voix ».